Décès du Professeur Emmanuel Fournier

Le conseil d’administration de la SPBI vous annonce avec beaucoup de tristesse la disparition prématurée d’un membre éminent de notre communauté d’enseignants chercheurs, le Professeur Emmanuel Fournier.

Le conseil d’administration de la SPBI vous annonce avec beaucoup de tristesse la disparition prématurée d’un membre éminent de notre communauté d’enseignants chercheurs, le Professeur Emmanuel Fournier. 

Tous ceux qui l’ont connu ont pu apprécier ses grandes qualités faites de bienveillance naturelle, d’humanisme, de rigueur intellectuelle et sa connaissance encyclopédique de l’électrophysiologie clinique. Enseignant hors pair, il est l’auteur d’un manuel d’électromyographie en langue française qui fait référence. 

Vous trouverez ci-dessous un texte à sa mémoire qui a été rédigé par un de ses proches collègues à la Pitié-Salpêtrière, le Professeur Lionel Naccache et qui a été diffusé auprès des enseignants de Sorbonne Université. 

La SPBI présente ses condoléances attristées à son épouse, à ses enfants et à ses proches. 

“Emmanuel Fournier était, littéralement, un homme extraordinaire et épris d’une forme absolue de liberté. Son activité et son œuvre embrassaient de nombreux domaines avec à chaque fois une originalité, une application et une détermination hors de l’ordinaire qui faisaient de lui un auteur, un penseur, un soignant et un enseignant polymathe. Physiologiste, philosophe et éthicien, dessinateur, poète, il est l’auteur d’une œuvre abondante et riche. Au moment de sa disparition brutale, Emmanuel Fournier était PUPH de physiologie, il dirigeait une unité fonctionnelle d’électromyographie dans le Département de neurophysiologie clinique du GHU Pitié-Salpêtrière-Charles Foix qu’il avait unifié et dirigé jusqu’en 2015 (date à laquelle il m’avait demandé de le remplacer), et dirigeait le Département d’Ethique de Sorbonne Université – Médecine qu’il avait créé dès les années 1990. Soucieux des questions les plus abstraites tout comme des aspects les plus immédiats et les plus contingents de la vie et de la pensée, son attention à l’égard des autres était manifeste pour chacune et chacun de ses interlocuteurs professionnels : patient(e)s, collègues, technicien(ne)s d’électrophysiologie, étudiants… 

Né à Albi, bachelier précoce, il suit des études de philosophie (université Panthéon-Sorbonne, EHESS) et de dessin (ateliers de la Ville de Paris, académie de la Grande-Chaumière). Il approfondit l’étude de la logique, et entreprend des formations complémentaires en médecine (faculté de médecine Pitié-Salpêtrière), en mathématiques, électronique, informatique et neurosciences (université Paris VI). Il produit ses premiers écrits de logique, de philosophie, mais également ses premiers travaux artistiques (dessin, photographie). Ses essais et œuvres incarnaient ce désir de liberté qui l’animait, tant dans leur contenu, dans leur expression (et notamment le langage) que dans leur forme qui échappaient à l’académisme. Il est en particulier l’inventeur d’une philosophie fondée sur l’usage d’une langue infinitive qui vise à échapper aux griffes de la subjectivité et de l’objectivation. Son essai « Croire devoir penser » écrit en 1992 et publié en 1996 expose cette approche qu’il développera par la suite à travers de nombreux autres essais et écrits. Ses réflexions l’amèneront également à développer un discours critique autour d’une certaine conception des neurosciences récentes.

Il enseigne d’abord la logique de 1981 à 1986, comme attaché d’enseignement à l’université Paris VI (1981-83), puis également la physiologie et l’éthique, comme assistant (1983-86), maître de conférences (1986-2009) et professeur (depuis 2009) dans la même université. Il est responsable des enseignements et du département d’éthique médicale qu’il a créés en 1993 dans l’université Paris VI (devenue ensuite « Sorbonne Université »). Il remplit également des missions d’éthique pratique dans les hôpitaux de La Pitié-Salpêtrière et de Charles Foix, ou pour des comités, notamment dans la lutte contre la maltraitance. Il était un expert reconnu d’électromyographie, avec là encore une excellence qui ne renonçait à aucune des dimensions de cet acte d’exploration : excellence technique, anatomique et physiologique, excellence du raisonnement et de l’interprétation, excellence de l’humanité du geste et en particulier de la recherche incessante de limiter les douleurs ou l’inconfort physique et psychique du patient. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de référence qui sont devenus les bibles francophones de la théorie et de la pratique de l’électromyographie.

Auteur du « Tractatus infinitivo-poeticus », Emmanuel, qui était un admirateur et un très fin connaisseur de Spinoza, me faisait souvent penser à ce dernier. Son application qui semblait aussi totale lorsqu’on le voyait réaliser un EMG, donner un cours ou écrire un texte rappelait celle de Spinoza dont on dit qu’il écrivait sa philosophie et polissait ses lentilles optiques avec la même intensité d’existence.

Evoquer Emmanuel, c’est aussi revoir son allure d’Homme qui marche de Giacometti, l’œil vif et un sourire en sfumato suspendu à ses lèvres, quelque part entre la Salpêtrière, les autres rues de Paris et l’île qu’il aimait, Ouessant.

Nous chercherons désormais, comme dans ce bref texte, à entretenir son souvenir vivant, en restant fidèles à qui il fut et en cherchant à respecter sa liberté, ce qui s’exprimerait dans sa langue infinitive par un : croire devoir chercher ne pas figer Emmanuel.

Nous adressons à sa femme, à ses enfants et à tous ses proches nos condoléances les plus bienveillantes.”

Pr. Lionel Naccache 

Sorbonne Université, GHU AP-HP-Sorbonne Université